Cela va bientôt faire un an qu’Emmanuel Macron a été réélu comme Président de la Vème République. Dans cette période chahutée pour lui, le temps de parole de ses adversaires est souvent évoqué. En effet, ceux-ci se rendent fréquemment sur des chaines comme C8 ou LCI pour évoquer leur point de vue politique. On peut alors se demander si au moment des élections présidentielles, le temps de parole des différents candidats est contrôlé. C’est ce que l’on va voir au travers de cet article.
Pourquoi le temps de parole des candidats est scruté et contrôlé ?
Depuis l’avènement des médias, le temps de parole des candidats n’a cessé d’être tenu à l’oeil et le phénomène ne fait que s’accentuer. En effet, il suffit de compter le nombre d’articles évoquant le temps de parole aux élections présidentielles françaises pour se rendre compte qu’il y a une pression de plus en plus grande autour du contrôle du temps de parole des candidats.
La principale raison pour laquelle il existe des règlementations sur le temps de parole des différents candidats est tout simplement le principe d’équité. En effet, on contrôle cela pour s’assurer que tous les candidats disposent d’un temps de parole équitable. Cela permet de garantir que chacun d’entre eux dispose d’une chance égale d’exprimer son programme électoral et de convaincre les électeurs. Si les candidats ayant les résultats électoraux les plus modestes ne pouvaient pas aller sur LCI, C8 ou France 2, la situation serait délicate. En effet, il leur serait impossible d’améliorer leurs résultats si personne ne leur donne la parole.
Le principe est donc simple; il faut que tout le monde puisse s’exprimer et pas seulement les candidats des partis dits « traditionnels ». On parle cependant « d’équité » et non pas « d’égalité » (à part dans les deux dernières semaines avant le vote où l’égalité prime sur l’équité) vu que le temps de parole octroyé est basé sur les sondages. Un candidat plus modeste se verra donc octroyer un temps inférieur à un candidat « haut » dans les sondages.
Quelles sont donc les règlementations ?
En France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) était chargé de veiller au respect du pluralisme politique à la télévision et à la radio pendant les périodes électorales. En 2022, il a fusionné avec la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), pour donner l’Arcom. Cet organe a un pouvoir de contrôle octroyé par l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, actualisée en 2021 avec la loi sur la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Presque tout son pouvoir émane donc de ces éléments légaux.
L’Arcom établit des règles pour le contrôle du temps de parole des candidats aux élections, qui sont les suivantes :
- La règle de l’équité : Les médias doivent garantir un temps de parole équitable à tous les candidats en lice. Cela signifie que chaque candidat doit bénéficier d’un temps d’antenne qui est proportionnel au nombre de candidats en lice et à leur représentativité.
- La règle de la neutralité : Les médias doivent respecter une stricte neutralité et éviter toute forme de parti pris en faveur d’un candidat ou d’un parti.
- La règle de la transparence : Les médias doivent publier régulièrement des informations sur le temps de parole attribué à chaque candidat et sur la manière dont ce temps de parole est réparti.
- La règle de la diversité : Les médias doivent veiller à la diversité des opinions politiques représentées à l’antenne, notamment en invitant des personnalités appartenant à des formations politiques différentes.
L’Arcom surveille la couverture médiatique de l’élection présidentielle en France et peut sanctionner les médias qui ne respectent pas ces règles. Les sanctions peuvent inclure des avertissements, des amendes et même la suspension temporaire ou définitive de la diffusion des programmes.
Et en pratique ? Ca a donné quoi en 2022 ?
Comme expliqué brièvement ci-dessus, il existe un temps d’équité et un temps d’égalité en ce qui concerne la répartition du temps de parole. En 2022, le premier s’est étendu du 1er janvier au 27 mars. Le second a eu lieu du 28 mars au 3 avril (jusqu’au 22 avril pour le second tour).
Comme on peut observer sur ce graphique, le temps de parole des candidats est environ proportionnel avec leur score dans les sondages. On parle donc bien ici d’équité du temps de parole. Durant cette période longue, de plus de deux mois. Certains candidats vont bénéficier d’un temps de paroles largement supérieur à d’autres. Par exemple, en 2022, Emmanuel Macron, a eu un temps de parole 20 fois supérieur à Philippe Poutou durant ces deux mois.
Sur ce deuxième graphique, on peut voir que le temps de parole est réparti d’une manière beaucoup plus égalitaire. Même si une différence existe quand-même, on peut dire que l’on se rapproche fortement de l’égalité. Plus rien à voir donc avec la période d’équité où les candidats comme Philippe Poutou, Fabien Roussel ou encore Anne Hidalgo avaient un temps de parole extrêmement bas comparé aux « favoris » des élections.
Le Web et les réseaux sociaux dangereux ?
Comme tu peux t’en rendre compte, il existe une véritable régulation en ce qui concerne le temps de parole des candidats à l’élection présidentielle française. Cependant, il y a un endroit où le contrôle est plus compliqué : internet. La recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel prise le 6 octobre 2021 explicite qu’elle s’applique aux services de radio et de télévision. Les sites web ne sont pas soumis aux règles imposées aux médias que l’on pourrait qualifier de « traditionnels ». Les vidéos et podcasts par exemple, ne sont pas soumis aux règles émises par l’Arcom.
Le fait que le temps de parole sur le Web et sur les réseaux ne soit pas décompté peut engendrer des conséquences néfastes. En effet, depuis quelques années maintenant, de nombreux candidats aux élections présidentielles françaises, ont compris le pouvoir procuré par internet. Etre présent et actif sur les réseaux sociaux est même devenu un élément basique pour les candidats.
Prenons l’exemple de Jean-Luc Mélenchon pour illustrer cela. Le candidat de gauche a bien compris qu’il fallait être sur Instagram, Facebook ou encore Youtube pour toucher un public plus large. Sur ce dernier réseau social, il est présent depuis le 1er janvier 2012, date assez symbolique au vu du fait que cela était le premier jour d’une année d’élection. Il compte maintenant plus de 800 000 abonnées. Depuis la création de son compte, Jean-Luc Mélenchon a publié plus de 1400 vidéos soit 100 par année environ et donc une tous les trois jours. Quelque soit la durée de ces vidéos ou même le contenu, on se rend rapidement à l’évidence que le temps de parole du représentant de l’actuelle NUPES est principalement émis sur les différents réseaux sociaux.
Le problème est qu’avec des moyens financiers modestes pour certains de candidats, il est compliqué de payer du personnel qui s’occupe seulement des réseaux sociaux. Cela signifie qu’un candidat plus aisé pourrait avoir un temps de parole supérieur en étant omniprésent sur les réseaux sociaux et ce avec l’aide d’une équipe chargée de sa communication.
Un autre problème est que sur les réseaux sociaux, la vérification des informations émises est très peu présente pour ne pas dire inexistante. Le public touché étant souvent assez jeune, il n’a pas toujours les connaissances et l’esprit critique pour décrypter le vrai du faux. Ce problème couplé au fait que certains candidats sont devenus plus actifs que la majorité des youtubeurs rend le phénomène inquiétant.
Des perspectives futures multiples
Tu l’auras sûrement compris, le temps de parole des différents candidats à l’élection présidentielle française est un élément clé de la campagne. L’avènement d’internet est venu chambouler les différents éléments mis en place par le CSA à l’époque (l’organe de contrôle qui est maintenant appelé Arcom).
Le futur s’annonce compliqué pour l’Arcom au vu du fait que les médias traditionnels sont délaissés par les jeunes générations et ce au profit d’internet et des réseaux sociaux. Il va donc falloir essayer de légiférer sur internet mais cela semble fortement compliqué vu qu’il existe une multitudes de lois visant à protéger la liberté d’expression sur le web. Internet est par essence un lieu où la liberté d’expression prime souvent.
De plus, les plateformes de diffusions sur internet sont globalement toutes privées. On ne retrouve pas des acteurs publics comme France 2 ou Arte pour les médias traditionnels. Cela signifie qu’il est encore plus dur de les contraindre à respecter des règles.
Malgré tout, les réseaux sociaux et les plateformes en ligne ont commencé à prendre des mesures pour limiter la désinformation et les discours haineux, et certains ont mis en place des politiques pour réguler les contenus politiques. Par exemple, Facebook a mis en place une politique de transparence pour les publicités politiques, qui oblige les annonceurs à divulguer qui paie pour les publicités et à quel public elles sont diffusées.
Cela pourrait donc être une manière de limiter les contenus de certains candidats qui voudraient un peu trop profiter d’internet pour étendre leur temps de parole et émettre du contenu de désinformation.
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