Comment Netflix ouvre de nouveaux publics aux artistes : Le cas de Metallica

par | Mar 3, 2023

Si vous êtes un adepte des séries Netflix, vous avez difficilement pu passer à côté du phénomène Stranger Things. Depuis sa création en 2016. La série créée par les frères Duffer s’impose comme un des piliers de la plateforme de streaming. Elle se passe dans les années 80 romancées et suit les péripéties d’un groupe d’enfants à Hawkins dans l’Indiana. Tout va changer pour eux quand un des amis du groupe disparait mystérieusement et qu’ils rencontrent Eleven, une jeune fille semblant avoir des pouvoirs surnaturels…

Attention cet article contient des spoilers majeurs de la saison 4 de Stranger Things et des spoilers mineurs de l’épisode 1 de The Last Of Us.

Le phénomène Stranger Things, ou quand la nostalgie fait mouche

Le point fort de la série réside dans les thèmes intemporels et universels qui y sont abordés : Les premiers amours, l’amitié, la famille ou bien encore la découverte de soi. Peu importe l’âge, tout le monde peut profiter de la série, s’identifier aux personnages et à ce qu’ils traversent. L’autre force du show se trouve dans sa façon d’interpréter les années 80. Les réalisateurs vont pousser les détails nostalgiques au maximum. On pourrait citer chacun des éléments d’époque mis en avant mais il faudrait un article entier pour analyser la série sous cet angle. Même si on n’a pas vécu dans les années 80, on ressent une réelle nostalgie en regardant la série.

Un vibrant hommage aux années 80, mais pas que

On ne peut qu’admirer cet univers retranscrit avec une telle bienveillance et rempli de références d’époques. Que ça soit avec une affiche pour Blade Runner de Ridley Scott placée avec nonchalance, un plan repris de Rencontres du troisième type, les modes capillaires et vestimentaires d’époques. On peut aussi citer le phénomène des mall (comprenez centre commercial) ou bien encore avec les salles d’arcades et les jeux-vidéos d’époque comme Dragon’s Lair. Tous ces éléments servent de diégèse : ils racontent des choses et nous renseignent sur l’univers de l’œuvre que l’on regarde.

La musique comme narrateur

Il en va de même pour la musique, qui joue un rôle central dans la narration. La bande originale de Kyle Dixon et Michael Stein comporte une majorité de musique composée par synthétiseurs, ce qui fait écho aux tendances musicales de l’époque. Pour ce qui est de la musique additionnelle, rien n’est laissé au hasard. Les pistes font références aux hits de l’époque, tout en respectant l’ordre chronologique des sorties. Qui plus est, la musique est un réel vecteur de la narration dans la série, elle s’inscrit comme un puissant moyen pour enrichir l’histoire et son univers.

Dans les films et séries modernes, la narration va se faire sous forme d’un discours. Celui-ci peut prendre deux formes notables :

  • Visuel : Les personnages, le décor, ce qu’ils voient, les effets visuels.
  • Auditif : Toute la piste audio du film qui va comprendre les dialogues, les effets sonores, les musiques, les bruits ambiants.

Si on se concentre sur le contenu auditif, on peut séparer le son en deux catégories narratives. Le son diégétique, qui va faire référence à tout ce que les personnages entendent dans le champ. Que ça soit les dialogues, les objets ou bien encore le décor. Puis on ajoute le son extradiégétique, qui va souvent faire référence à la BO (bande originale) qui accompagne le film. Les personnages n’entendent pas la BO qui sert de musique d’ambiance, mais il arrive que par moments cette frontière se brise, offrant des possibilités narratives étendues.

Quand la musique offre une séquence mémorable

© Netflix

C’est bien ce qu’on fait les frères Duffer avec Stranger Things dans le dernier épisode de la saison 4. Eddie Munson, un des nouveaux personnages de la saison va être mis en avant grâce à la musique. Dans la série, ce n’est pas un élève des plus doués mais c’est un immense fan de jeu de rôle et de musique métal. Le traitement du personnage tout au long de la saison est intéressant de ce point de vue-là. Il représente les cultures marginalisées par les médias et les adultes à l’époque et son intrigue narrative qui l’accompagne lui donnent un côté des plus attachants, lui qui voulait simplement être aimé.

En effet « Master Of Puppets » fait directement écho aux pouvoirs de l’antagoniste de la saison. Mais la musique est choisie pour correspondre à Eddie, le guitariste fan de métal. La mise en scène nous fait toujours plus sympathiser pour ce personnage et le rendre iconique. Pour la plupart des personnages il est incompris et mal-aimé mais finalement le cœur sur la main quand on apprend à le connaître au fil de la série, surtout du point de vue du spectateur.

Comme un air de déjà vu

La série n’en est pas à son coup d’essai, en effet l’épisode 4 de la saison 4 a propulsé une musique sortie il y a 37 ans en tête des charts. « Running Up That Hill » de Kate Bush a vu sa musique atteindre le Top 1 du Billboard Hot 100, y résidant même pendant plusieurs semaines. Le son va aussi se retrouver en tête de plusieurs plateformes de streaming comme Spotify ou encore Apple Music.

Comme avec « Master Of Puppets » le choix de la musique fait sens d’un point de vue narratif : Toute la réalisation de la séquence s’axe autour de la musique, qui devient l’élément clé de la scène. De même que les paroles de la chanson, qui appuient aussi la scène. Comme pour la Musique de Metallica, la musique est adaptée au besoin de la scène, « Running Up That Hill » bénéficie d’un orchestre accentuant le côté épique de la scène.

Et si Stranger Things était finalement la série parfaite pour ce genre de renaissance musicale.

Il est possible d’expliquer l’intérêt pour un artiste de miser sur une telle opportunité. On peut tout d’abord se renseigner au niveau de la popularité du l’artiste. Il est possible de se servir de Google Trends pour comprendre l’impact de la série sur le groupe.

Que nous disent les recherches Google

Si on analyse la courbe on peut noter trois pics favorables à la notoriété du groupe :

  • Avril 2022 : Correspond à la tournée Sud-Américaine du groupe ainsi qu’à l’annonce de la participation à des festivals d’été.
  • Juillet 2022 : Correspond à la diffusion de la deuxième partie de la saison 4 de Stranger Things.
  • Novembre 2022 : Correspond à l’annonce de leur nouvel album « 72 seasons ».

On voit donc un pic dans les recherches Google contenant le nom du groupe, offrant une opportunité de renouveler son public avec les gens ayant vu la série. Le son « Master Of Puppets » a vu en effet son taux de recherche exploser de 5000 % le jour de sortie de l’épisode.

Et il faut dire qu’il y a un public assez large à toucher. En effet la saison 4 de Stranger Things a battu le record de plus d’un milliard d’heures vues pour la saison, confirmant un peu plus la popularité mondiale de la série. On comprend donc mieux pourquoi le groupe a cherché à capitaliser sur cette collaboration. Preuve en est avec cette vidéo du groupe qui reçoit l’acteur d’Eddie Munson lors de leur passage au festival Lollapalooza de Los Angeles :

© Metallica

Le groupe parvient avec cette stratégie de notoriété à accomplir plusieurs choses :

  • Être tendance et se donner une image sympathique en tant que groupe présent dans l’industrie musicale depuis plus de 40 ans.
  • Capitaliser sur le succès de la marque Netflix et Stranger Things en utilisant le passage de la série quand ils jouent la chanson en concert (en l’occurrence en festival).
  • Se montrer sur des canaux différents à un public qui ne connait pas le groupe.

Le succès est au rendez-vous d’un point de vue statistique. « Master Of Puppets » a même réussi l’exploit d’atteindre la 35eme position dans le Billboard Hot 100, 36 ans après la sortie du single. Sur Spotify, le son a quant à lui été écouté plus de 17,5 millions de fois sur les 10 jours après la sortie de l’épisode. On peut donc dire que l’impact immédiat a été plus que notable pour le groupe.

L’exemple de The Last Of Us

©Be tv

Stranger Things n’a pas en effet le monopole de cette pratique. En effet, début 2023, sort la série The Last Of Us. L’histoire se déroule dans un monde post apocalyptique, une infection ayant transformé presque toute l’humanité en zombies. On va alors suivre l’aventure de deux survivants : Joël, le quarantenaire ainsi qu’une adolescente du nom d’Ellie qui doivent traverser des Etats-Unis dévastés. Dans ce monde, chacun tente de survivre à sa manière, aussi cruelle puisse-t-elle être. La série montre l’Homme dans ces derniers retranchements, que ça soit positif ou négatif…

A la fin de l’épisode un, une scène met en avant une radio utilisée par Joël pour communiquer avec d’autres survivants. Pour communiquer en toute sécurité ils avaient instauré un code : selon la décennie de la musique qui passe, le niveau de danger évolue. Dans le cas ci-présent, les années 60 ne signalent aucun danger, les années 70 annoncent des nouvelles mais les années 80 représentent le danger. Cependant la jeune Ellie est née dans ce monde ravagé, elle manque donc le message codé présent à travers la musique « Never Let Me Down Again » sorti en 1985 par Depeche Mode. La musique est encore utilisée comme élément narratif à part entière, prenant place centrale dans le récit. L’épisode se termine sur la musique, avec nos personnages voyageant vers l’inconnu, qui pour le spectateur est synonyme de danger, mais pas pour les protagonistes.

On peut dire que le choix de la musique a été apprécié, en effet le lendemain de la sortie de l’épisode, la musique a été écoutée 520% de plus que la semaine précédente. Nous ne sommes pas sur le phénomène similaire à Kate Bush ou Metallica, mais dans une moindre mesure, les séries ont le pouvoir de redonner un regain de popularité à ces musiques à un nouveau public.

© Twitter @SpotifyNews

La formule gagnante

A vrai dire, il n’y a pas de réponse parfaite à la question. On peut admettre que comme toute tendance, il y a une part de hasard qu’on ne contrôle pas. Cependant, on remarque que les cas mis en avant dans cet article possèdent des caractéristiques similaires :

  • Un rappel à la nostalgie est impliqué
  • La musique fait office d’élément narratif central pour une scène importante
  • Une cohérence dans les paroles de la musique viennent appuyer le discours du film/série
  • Offre une opportunité à l’artiste de capitaliser sur le succès d’un autre média

Si tu veux le voir par toi-même

La série Stranger Things et ses 4 saisons sont disponibles en intégralité sur Netflix et la série The Last Of Us est disponible pour tous les abonnés Be tv.

2 Commentaires

  1. Alexandra Deltenre

    Il était temps que Metallica soit apprécié par les plus jeunes!! Eddy est une légende! Hâte de voir la saison 5 🙂

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  2. tiffany.vitali

    J’ai beaucoup aimé lire cette analyse qui était à la fois détaillée et pertinente

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