Les institutions sensibles aux critiques devraient-elles quitter les réseaux sociaux ?

par | Nov 22, 2025

Les réseaux sociaux font partie intégrante des stratégies de communication d’entreprises. Nombreux sont les bénéfices qu’elles en retirent. Mais est-ce une généralité pour toutes les institutions ? Certaines ne devraient-elles pas se déconnecter face aux maintes critiques reçues ?

Des médias sociaux plus sensibles aux critiques que d’autres 

Pour beaucoup d’organisations, les réseaux sociaux sont une boîte de pandore. Elles ont peur des réseaux sociaux parce qu’elles sont encore dans l’ancien monde de la communication : elles prennent la parole, la foule écoute, et le travail est fait. Avant l’émergence des réseaux sociaux, le schéma de communication « top-down » était celui auquel les organisations étaient le plus souvent confrontées. Les réseaux sociaux ont donné la parole à tout le monde et cette libération de parole n’existait pas il y a 10-12 ans. Autrefois, seul le communicant était émetteur d’un message. De nos jours, le récepteur du message est également devenu émetteur. La population peut répondre, interpeller et recevoir une réponse. Cela peut nuire ou au contraire améliorer l’e-réputation d’une institution. 

L’e-réputation, un terrain glissant 

L’e-réputation doit faire face à l’instantanéité des médias sociaux. Dès qu’une information apparaît quelque part sur le net, elle peut devenir virale en quelques minutes, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Le concept le plus important associé à l’e-réputation, c’est la perception de l’information. Comment les parties prenantes se représentent-elles une organisation au travers de ce qu’elles observent sur le web ?  

Donner la parole à tout le monde c’est le principe même des réseaux sociaux. Dans ce cas-ci les critiques sont inévitables. D’autant plus lorsqu’une organisation aborde des sujets sensibles. Que ce soit la politique, la santé, la migration, la sécurité… un tas de sujets clivants sur lesquels les réseaux s’enflamment très vite. Les critiques ne sont pas forcément nuisibles à une institution. Elle doit pouvoir identifier ses parties prenantes et savoir si les personnes qui font du bruit font réellement partie de son public cible. Le bruit et l’influence sont deux choses différentes. Par exemple, si une entreprise qui vend de la viande se fait attaquer par des véganes, elle ne doit pas s’en soucier étant donné que ce n’est pas son public cible.

Face aux critiques, aux bad buzz, les organisations se précipitent parfois dans l’élaboration d’une réponse et obtiennent l’effet inverse de ce qu’elles auraient souhaité. C’est ce qu’on appelle l’Effet Streisand. Attendre et ne rien dire est parfois la meilleure des solutions. Toutes les critiques ne demandent pas une réponse. Les organisations ne tiennent pas toujours compte de la communauté qui les soutient. Elles prennent la défense de l’institution sans même qu’elle n’ait à réagir.

Être sur les réseaux sociaux, c’est aussi accepter que tout le monde ne soit pas tout à fait d’accord, que les gens aient des grilles de lectures différentes. Toutes les critiques ne demandent pas les mêmes réponses. Lorsqu’on se retrouve face à des polémistes, à des critiques périphériques la réponse à apporter n’est pas la même que face à un râleur légitime qui demande à être entendu.

Les trolls

Parfois, répondre aux critiques ne sert plus à rien. C’est ce qu’il se passe lorsqu’une organisation fait face à des trolls. La règle d’or est de ne jamais nourrir le troll. Ce sont des personnes qui, derrière un pseudo, un faux compte déversent de la haine, créent sans cesse des polémiques sur le Web dans l’unique but de nuire.

Vouloir changer les mentalités de ces générateurs de conflits est une peine perdue, ils se multiplient et cela va aller crescendo. La parole se libère de plus en plus sur les réseaux sociaux, mais supprimer l’anonymat ne serait pas forcément une solution puisque de plus en plus personne s’exprime avec leur vrai nom. Le complotisme en est à son paroxysme et la polarisation du peuple observée sur les réseaux sociaux est de plus en plus marquée. Ce n’est que le début, retirer l’anonymat supprimerait quelques trolls, mais globalement ce phénomène continuera à prendre de l’ampleur.

Les filter bubbles

Dans le but de garder les utilisateurs actifs le plus longtemps sur leur plateforme, les réseaux sociaux choisissent quelles publications seront dans leur fil d’actualité en fonction de ce qui est susceptible d’intéresser les lecteurs. C’est ce qu’on appelle les algorithmes. Les utilisateurs qui sont coincés dans une bulle d’informations les confortant dans leurs opinions pensent que tout le monde partage le même avis. Dès qu’ils sont confrontés à une voix discordante, ils entrent directement en conflit. Les générations plus jeunes particulièrement n’ont plus de filtres, dès qu’ils ont envie de dire quelque chose sur les réseaux, ils le font.

Cette polarisation de l’information est confortable pour l’être humain. À travers les siècles nous nous sommes rendu compte que l’homme avait toujours ressenti le besoin d’appartenir à un groupe pour exister. La bulle de filtres dans laquelle nous plongent les réseaux sociaux contribue à combler ce besoin d’appartenance. Désormais les gens se rassemblent en fonction de leur façon de penser et s’enferment dans leurs idées. Au lieu de rassembler la population, les filter bubbles la divise. Il n’y a pas de raison pour que les trolls disparaissent. Au contraire.

Trop à y gagner

Les réseaux sociaux offrent la possibilité aux institutions et entreprises d’être transparentes avec leur public. Il y a quelques années on parlait de greenwashing, des entreprises se donnaient une image plus verte au travers de techniques de marketing. S’il y a de la porosité entre la communication interne et externe, que quelques voix en interne démentent les discours de l’entreprise, aujourd’hui le retour de flamme va être direct. Les critiques ne nécessitent pas toujours une justification et une remise en question. L’organisation est-elle réellement attaquée dans son core business ?

Internet parle de nous, avec ou sans nous.

Vincent Pittard
Formateur à l’IHECS Academy et cofondateur de l’entreprise Réputation 365

Si ces organisations qui traitent de sujets sensibles quittaient les réseaux sociaux, le problème des critiques ne se résoudrait pas, le débat aurait lieu quand même. Les réseaux sociaux ne nuisent pas à la communication, ils permettent au contraire aux institutions de pouvoir donner leur voix et d’apporter une réponse. Ils sont un thermomètre pour les entreprises et institutions : quelles sont les nouvelles tendances ? Quelles sont les critiques ? Les réseaux sociaux permettent de faire une étude de marché en temps réel pour que l’on puisse adapter les discours aux préjugés éventuels de la population.

De nouveaux réseaux sociaux apparaissent et permettent d’envoyer de nouveaux messages, d’augmenter le capital sympathie comme c’est le cas de TikTok. Les réseaux sociaux auront toujours des choses à apporter, il y aura toujours de nouvelles thématiques à aborder, des contenus à moderniser, de nouveaux messages à faire passer… Quitter les réseaux sociaux enverrait un drôle de message à la population. Ce seraient cautionner toutes les critiques reçues, déclarer forfait et avouer avoir perdu alors que différentes solutions existent pour répondre aux critiques et prendre le dessus.

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