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En 2018, Greenpeace frappe les esprits à travers un spot publicitaire original mettant en scène un bébé orang-outan et une petite fille. Le spectateur se met facilement dans la peau du petit singe qui voit son habitat menacé par l’homme. Le spot publicitaire est autant culpabilisant que émouvant. Greenpeace prend ainsi le contre-pied de ses campagnes de communication habituelles qui ne fonctionnent plus.
L’empathie au service de la communication
Le spot publicitaire commence avec la petite fille qui dit « Il y a un Rang-tan dans ma chambre et je ne sais pas quoi faire ». L’animal joue avec les affaires de la fillette, détruit ses plantes d’intérieur, et hurle sur son shampoing. L’agacement se ressent mais très vite le ton et le style changent. Au début, le point de vue est celui de la petite fille mais glisse par la suite sur celui du singe. « Il y a un humain dans ma forêt et je ne sais pas quoi faire », voici comment sa version des faits commence. D’une voix attristée, l’orang-outan raconte que sa forêt est détruite afin de nourrir les humains, que sa mère est décédée et qu’il a peur que l’humain le tue à son tour. La cause de cette déforestation : l’industrie de l’huile de palme. La vidéo se veut déchirante et le spectateur ressent réellement cette impuissance que Rang-tan vit. L’histoire, grâce à l’imagerie et l’intonation de la narratrice, permet à toute personne de sympathiser et de s’identifier avec le message que la campagne veut faire passer. Le fait que les deux personnages principaux sont des enfants accentue cette empathie ressentie.
Rang-tan, la vedette de la campagne de Greenpeace
Narré par l’actrice anglaise Emma Thompson, le dessin animé raconte l’histoire d’un orang-outan nommé Rang-tan qui se retrouve dans la chambre d’une petite fille et y sème le chaos. Énervée, la fillette chasse le mammifère mais avant de partir, Rang-tan explique ce qui est arrivé à sa maison, la forêt tropicale, et le rôle actif des humains dans ce malheur qui est le résultat de l’industrie de l’huile de palme. Touchée par le sort de Rang-Tan, la petite fille promet d’aider le singe et de faire connaître sa cause.
Le dessin animé, l’ingrédient stratégique de la campagne Greenpeace ?
C’est la première fois que Greenpeace utilise l’outil du dessin animé pour véhiculer un message. L’utilisation de vrais images auraient pu en choquer plus d’un mais la décision de Greenpeace d’adopter ce vecteur de communication est un pari réussi. En effet, la société contemporaine est de plus en plus habituée à des images choquantes car nous y sommes confrontés sans cesse. Malheureusement, on en devient aussi insensible. Pour ne pas effrayer le spectateur, le choix de Greenpeace d’avoir recours au dessin animé permet de traiter un sujet complexe et dure de manière plus légère. Par ce biais, la réalité violente de Rang-tan est atténuée et l’animation habilite le message d’une sensibilisation précautionneuse auprès du public.
Comment le choix de dessin animé renforce le message central du spot publicitaire ?
Le dessin animé permet de nous connecter émotionnellement. L’animation nous propulse en enfance et joue avec l’innocence infantile. Comme Disney a accompagné nos générations que ce soit en tant que grands-parents, parents ou enfants, Greenpeace ranime nos souvenirs et touche à notre sensibilité en mettant en scène Rang-tan et la petite fille.
Pourquoi utiliser le dessin animé comme outil de campagne ?
Comme l’a dit John Sauven, ancien CEO de la division anglaise de Greenpeace, la campagne devait toucher un très large public cible et ne pouvait en exclure aucune. Le dessin animé publicitaire s’adresse autant aux enfants qu’aux adultes mais c’est une expérience encore plus riche et plus profonde pour ces derniers. « C’est aussi un moyen pour faire passer un message de façon esthétique et plus originale qu’à travers une simple photo. L’idée n’est pas de dissimuler une réalité, mais de toucher autrement », relate Juliette Boulet, porte-parole de Greenpeace Belgique.
Retour aux principes de base de la communication, raconter des histoires
La campagne utilise le storytelling et l’art de la narration pour marquer les esprits des spectateurs. Greenpeace a réussi à simplifier une histoire complexe, les conséquences de la déforestation, en jouant sur le dessin animé mais le spot publicitaire met également en place d’autres techniques pour attiser l’attention des intéressés.
Le spot a recours à un genre littéraire très ancien mais qui nous est toutefois très familier, la poésie. En effet, l’histoire est racontée en vers et utilise la technique des rimes. Tout au long de la vidéo, il y a une répétition des mêmes mots et mêmes structures de phrases. Ceci n’est pas anodin car la poésie est justement utilisée pour transmettre des émotions et éveiller l’imagination de ses lecteurs, et dans ce cas-ci, de ses spectateurs. Alors, le pari est-il réussi ? Qualitativement oui, mais qu’en est-il quantitativement ?
Alors Rang-tan : bonne ou mauvaise campagne ?
La campagne, créée pour sensibiliser le public aux dommages considérables causés par l’industrie de l’huile de palme, a pour but d’encourager ces derniers à signer une pétition. La vidéo est d’abord publié en Angleterre mais prend vite le monde d’assaut.
Le spot publicitaire de 90 secondes, initialement publié en août 2018, est repris pendant la période estivale d’hiver 2018. Inhabituelle parmi les autres campagnes de Noël, la publicité se démarque. Début décembre, la vidéo de Rang-tan a déjà fait plus de 65 millions de vues. La pétition, elle, est signée par plus d’un million de personnes au Royaume-Uni. A travers les médias traditionnels, les rédactions écrivent des articles sur cette publicité plus de 800 fois. La campagne animée remporte même un prix pour la meilleure vidéo de l’année en 2019. En termes de réceptivité et d’engagement, l’histoire de Rang-tan et de la petite fille est un succès !
Quel a été l’impact de cette campagne Greenpeace ?
Le court-métrage animé pénètre les conversations sociales, fait réfléchir, ou du moins préoccupe, le large public qui a été touché par le triste récit du petit orang-outan. Les comportements et les choix des consommateurs vis à vis du produit mis en question, l’huile de palme, se font ressentir. Cette campagne a donc impacté les spectateurs du monde mais a également eu un impact positif sur Greenpeace. Jusqu’alors, Greenpeace était perçu du mauvais œil comme une organisation audacieuse dans son activisme. Avec la sortie du spot publicitaire animé, Greenpeace redore son image et celle-ci devient plus atténuée et docile.
Comment Greenpeace prend le contre-pied de ses campagnes de communication habituelles ?
Greenpeace, une organisation non gouvernementale internationale de protection de l’environnement créée en 1971, avait pour habitude d’utiliser de vraies images et en faire des montages. Les publicités étaient crues et montraient la dure réalité des désastres environnementaux. Bien que déchirantes à leur manière, ces publicités n’ont pas eu le même impact que celle du petit Rang-tan demandant de l’aide à une fillette pour sauver sa maison dans la forêt. Le dessin animé comme outil publicitaire a été une première en 2018.
Réussite de cette première campagne animée, Greenpeace continue-t-elle sur sa lancée ?
Suite au succès de Rang-tan, Greenpeace met en scène Jag-wah, un jaguar qui connaît le même sort que son petit compatriote des arbres. En 2020, Greenpeace, en collaboration avec Aardman Animations et de célèbres acteurs, sort une nouvelle campagne animée intitulée « Voyage de tortues : la crise de nos océans ». Encore plus qu’auparavant, le court-métrage publicitaire se veut culpabilisant et suscite l’empathie grâce au dessin animé afin que le spectateur ne reste pas indifférent.
Déjà très présente dans les pays anglosaxons, la publicité en dessin animé n’a pas été inventée par Greenpeace. Elle reste toutefois bien présente dans notre mémoire car c’est, par excellence, la publicité non marchande déguisée en animation.
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