L’univers de la mode et l’écologie : recyclage, upcycling et économie circulaire

par | Mar 10, 2025

Le secteur de la mode, responsable de conséquences écologiques importantes, se tourne petit à petit vers des pratiques plus durables. Des approches telles que le recyclage et l’upcycling visent à réduire les déchets et la consommation de ressources naturelles. Cependant, derrière ces actions souvent influencées par des stratégies marketing proches du greenwashing, il devient nécessaire de se questionner sur leur véritable efficacité.

Image est purement décorative et exprime le recyclage de vêtements.

La place du bio, du recyclé et de l’upcycling dans la mode

Le milieu de la mode a été nommé pour son impact négatif sur l’environnement. Devant l’urgence environnementale, les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux impacts de leur consommation à travers les médias et/ou les réseaux sociaux. Ce qui permet de mettre en avant les enjeux environnementaux. De plus, on peut examiner une évolution face à ces enjeux avec la création du coton bio ou de labels éthiques. Dans les années 2000, on a pu constater l’essor de la naissance de la mode durable et du commerce équitable. Mais, il faudra encore attendre quelques années avant de découvrir l’upcycling et le recyclage textile. Aujourd’hui, l’accent est mis sur la réduction des déchets et les matières renouvelables, avec comme objectif le respect de l’environnement.

Quant au recyclage, cette approche a pour objectif de fournir une seconde vie aux matériaux usagés en les réintroduisant dans un nouveau processus de fabrication. L’objectif de celle-ci est de diminuer l’exploitation des ressources naturelles. Ainsi que, la quantité de déchets générés par la production des vêtements.

L’upcycling, aussi appelé surcyclage est une pratique consistant à récupérer des anciens vêtements et tissus pour les transformer en de nouveaux articles. Celui-ci permet de se passer totalement ou en partie de matières premières mais aussi d’éviter la production industrielle de nouveaux vêtements.

Le coton cultivé sans pesticides permet de réduire l’impact environnemental de la mode. Celle-ci propose aux consommateurs des produits plus sains. Cependant, le label bio est parfois utilisé comme un simple argument de vente. 

Le bio et le recyclé comme alternatives aux matériaux traditionnels.

Motivée par une prise de conscience importante des consommateurs, l’industrie de la mode se cherche une image plus verte et plus responsable. Si des initiatives visent à promouvoir le recyclage, les échanges ou même la location de vêtements, les progrès restent néanmoins discrets. La mode écoresponsable reste encore une couverture au lieu d’une transformation profonde de l’industrie. 

De nombreuses marques exposent avec fierté des labels « bio », « végan » ou encore « recyclé ». Il faut néanmoins savoir que derrière tous ces engagements, les résultats sont souvent bien en dessous des attentes. Selon un rapport de Global Fashion Agenda et McKinsey, malgré que le secteur de la mode continue ses efforts pour réduire ses émissions, elles persisteraient jusqu’à 2,1 milliards de tonnes par an d’ici 2030. À titre informatif, cela représente environ 4 % des émissions mondiales. 

L’univers de la mode a toujours été lié à la satisfaction de besoins sociaux et personnels comme par exemple, le désir d’appartenance, l’estime de soi et l’expression de soi. Mais depuis ces dernières décennies, celle-ci a été transformée en une machine de (sur)consommation importante.

Aujourd’hui, la production de vêtements se base sur des ressources naturelles limitées (eau et terre pour la culture du coton). La production utilise des énergies fossiles pour fabriquer des matériaux comme le polyester, et le gaspillage est donc également une conséquence de ce modèle autant dans la chaîne d’approvisionnement qu’au niveau des déchets générés à la fin de la vie des articles.

Heureusement, des alternatives existent. Le recyclage, par exemple.  Celui-ci est une solution atteignable à condition de renforcer les infrastructures pour collecter et transformer les vieux vêtements. Des entreprises comme Moo Jeans aux Pays-Bas, offrent un modèle de location qui permettra aux clients de louer des jeans pour une somme mensuelle et de les retourner une fois qu’ils n’en veulent plus. Dans le même esprit, des plateformes comme SPIN inventées par la société italienne Lablaco offrent des alternatives pour prolonger la durée de vie des vêtements soit en les échangeant en les louant ou en les revendant.

Il ne suffit pas de repenser la façon dont nous achetons des vêtements, mais également de transformer notre rapport à la mode en profondeur. Un vrai changement repose dans une consommation plus sobre et responsable. Un modèle où les vêtements usagés se transforment à une valeur essentielle plutôt qu’un déchet. Afin d’y arriver, il sera nécessaire de faire une remise en question collective de nos habitudes vers une mode plus responsable et durable.

« Le marché de la mode a perdu 15% de sa valeur en 10 ans « 

Anne Bock dans « Étude de cas : Vinted : la mort de la fast fashion ? »

L’upcycling : une nouvelle forme de création mode.

Avez-vous déjà entendu parler de l’upcycling ? Nous avons tous déjà réfléchi à transformer un vieux jeans pour le remettre au goût du jour. L’upcycling, qui signifie précisément “recyclage par le haut”. C’est l’art de faire du neuf avec du vieux. C’est une pratique qui consiste à récupérer des matériaux ou des objets qu’on n’utilise plus afin de leur redonner une seconde jeunesse en les transformant en produits de qualité ou d’utilité supérieure. On ne jette plus, on réutilise, on valorise, on transforme. D’ailleurs, presque tout peut être upcyclé, il suffit d’un peu d’imagination! L’upcycling est bien plus qu’une simple procédure de recyclage. Elle représente en vérité une véritable cassure avec le modèle traditionnel de production de la mode. L’ouvrage “De l’économie circulaire à l’upcycling : le cas d’un vêtement engagé met en avant le fonctionnement dont cette pratique s’inscrit à la fois dans une démarche écologique mais aussi dans une volonté de liberté face aux excès de l’industrie. L’upcycling est régulièrement une réponse à une saturation du système-mode. Ceci est marqué par une pression importante, une rationalisation des processus créatifs et une ambiguïté entre création et management. En regardant vers la transformation de vêtements actuels, ces créateurs cherchent à redonner du sens à leur métier. Ils s’éloignent de cette logique uniquement économique afin de favoriser une logique artisanale et engagée. Cette démarche devient ainsi une forme d’opposition à la fast fashion et à la surproduction. De plus, elle incarne un système alternatif de création qui se base sur la récupération et la valorisation des matériaux.  L’upcycling se mêle dans l’économie circulaire et questionne les inégalités structurelles du secteur. Cette approche illustre également une tentative d’unir innovation et éthique dans un milieu où la pression financière et la vulnérabilité des créateurs restent omniprésentes.

Valorisation des termes dans les stratégies de communication d’une marque comme Patagonia

L’industrie de la mode fait face à de nombreuses critiques relatives à son impact sur l’environnement et par rapport au fait que certaines marques choisissent de mettre en avant des stratégies de communication axées sur la durabilité. Celles-ci utilisent des notions comme le recyclage, l’upcycling et l’économie circulaire. Ces termes sont non seulement dans leurs “dites” pratiques mais également mises en avant dans leur discours pour attirer une clientèle qui se préoccupe de son empreinte écologique. Par exemple, la marque Patagonia utilise cette technique.

Mise en place d'une étiquette "Repair is the new cool" par dessus l'étiquette Patagonia originale.
Image promotionnelle de Patagonia pour la campagne « Repair is the new cool »

Un vocabulaire engagé et un storytelling captivant

Patagonia utilise un vocabulaire écologique dans le but de mettre en avant ses engagements envers l’environnement. Lors de chacune de ses campagnes de communication, la marque partage un ensemble de mots clés tels que l’économie circulaire, la réduction des déchets, l’upcycling, le recyclage responsable, etc. Ce storytelling est en résumé un récit puissant où les produits ne sont pas perçus comme de simples articles de qualité et performants mais plutôt vendus comme étant de véritables compagnons lors d’une aventure.

Par ailleurs, le blog Worn Wear mis en avant à plusieurs reprises sur la page d’accueil de la marque illustre bien cette stratégie en mettant en avant des histoires d’utilisateurs qui réparent et réutilisent leurs vêtements Patagonia au fil du temps. Cette mise en avant souligne la durabilité et fait ainsi de ces consommateurs des co-auteurs d’un mouvement de plus grande ampleur en termes de durabilité et d’écologie. 

Vidéo promotionnelle Patagonia « How Does Worn Wear Work ? »

La mise en avant d’initiatives concrètes pour crédibiliser le discours

Pour Patagonia, ce n’est pas qu’une simple stratégie marketing, la marque construit sa communication sur des faits réels : 

Recyclage : depuis 1993, la marque fabrique des polaires à partir de bouteilles en plastique recyclées.

Upcycling : grâce à Worn Wear, Patagonia incite les consommateurs à effectuer des réparations plutôt que de jeter des vêtements.  La marque vient même jusqu’à proposer des tutoriels de réparation. 

Économie circulaire : Patagonia va plus loin en intégrant un modèle circulaire dans sa chaîne de production grâce à l’utilisation de matières recyclées et à des campagnes de sensibilisation comme Don’t Buy This Jacket.

L’usage de termes durables dans le marketing : Sincérité ou simple greenwashing ?

L’argument de l’écologie et de la durabilité sont devenus des outils marketing importants dans l’industrie de la mode. Et même si certaines marques intègrent réellement la durabilité dans leur modèle économique, d’autres se contentent d’un discours plutôt flou à ce sujet. 

D’un côté, la marque Patagonia est cohérente car elle fait preuve de transparence sur l’impact de ses produits et promeut la réparation et la revente avec Worn Wear. La marque investit aussi dans des matériaux recyclés et s’engage dans des actions militantes concrètes comme 1% for the Planet. Ces engagements ne sont pas qu’une simple stratégie publicitaire, ils structurent leur modèle économique.

À l’inverse, des marques comme H&M ou Zara mettent en avant des collections « éco-responsables » mais tout cela sans remettre en question leur production de masse. Leur recyclage reste relativement faible en comparaison à d’autres et leur renouvellement rapide des tendances continue d’alimenter la surconsommation. Dans ces cas précis, l’utilisation du terme “durable” sert davantage à rassurer plutôt qu’à transformer réellement l’industrie.

Il est important de se baser sur 3 critères : la transparence des pratiques, la cohérence avec le modèle économique et des actions mesurables. Si ces critères sont réunis, ils permettent de distinguer un engagement dit “sincère” d’une pratique de greenwashing. La mode durable devient un argument de vente, de ce fait, un regard critique est indispensable afin d’éviter de tomber dans le piège du marketing trompeur.

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