Dans un monde où l’information circule constamment, les personnes chargées de la
communication politique deviennent incontournables. Elles ne sont pas seulement là pour
transmettre des messages, elles façonnent aussi l’image du pouvoir. Parfois sincères,
parfois calculatrices, elles oscillent entre franchise et manipulation. Ce contraste est
particulièrement visible en France et au Brésil, deux pays où les traditions politiques et les
méthodes de formation des communicants sont très différentes.
Aujourd’hui, la grande question, c’est comment ces professionnels influencent notre
rapport à la politique. Renforcent-ils la confiance des citoyens ou, au contraire, alimentent-
ils leur méfiance envers les institutions ? Pour y voir plus clair, il faut comprendre leur rôle
d’intermédiaires entre le pouvoir politique et les gens ordinaires, leur capacité à influencer
les débats publics et à envisager comment leur métier pourrait évoluer vers une approche
plus honnête et éthique.
I. Le communicant politique : un facilitateur de la
transparence démocratique ?
Les communicants jouent un rôle essentiel pour expliquer clairement ce que fait le
gouvernement. Ils ne se limitent pas à diffuser des informations officielles. Leur travail, c’est
surtout de rendre les discours politiques intéressants et compréhensibles pour tout le monde. En
France, c’est très institutionnalisé : il existe des porte-paroles officiels, des attachés de presse,
formés dans des écoles réputées comme le CELSA ou Sciences Po, où ils apprennent des
techniques très précises pour communiquer efficacement.
Au Brésil, c’est différent. Là-bas, les communicants viennent souvent du monde du journalisme. Ils
sont plus habitués à communiquer de façon spontanée et émotionnelle, surtout via les réseaux
sociaux. Ces dernières années, Facebook et WhatsApp ont complètement changé la façon de
mener les campagnes politiques, donnant à ces communicants un pouvoir énorme pour
influencer les récits politiques. Aujourd’hui, les hommes et femmes politiques doivent être ultra-
présents en ligne, avec des messages courts et impactants.
Mais plus cette profession se développe, plus elle soulève des questions éthiques. Les
communicants peuvent améliorer la transparence, mais ils risquent aussi d’être vus comme des
manipulateurs, cherchant à influencer l’opinion publique. En France, le mouvement des Gilets
Jaunes a mis en évidence ces difficultés : la communication du gouvernement a souvent été
critiquée pour son manque de clarté et d’authenticité. Au Brésil aussi, lors de grandes
manifestations contre la corruption, les dirigeants ont parfois utilisé la communication pour
détourner l’attention du public.
II. Une influence stratégique au service du pouvoir
Si le communicant politique a pour vocation d’informer, il est aussi un acteur essentiel dans
l’orientation du débat public. En façonnant les messages et en définissant les priorités narratives,
il influence directement la perception que les citoyens ont de leurs dirigeants. Cette influence est
particulièrement visible en période électorale, où les discours politiques sont soigneusement
calibrés pour séduire un électorat spécifique.
En France, l’influence des spin doctors est bien documentée. Des figures comme Jacques
Séguéla ou Anne Méaux ont marqué l’histoire politique en concevant des stratégies decommunication adaptées aux personnalités politiques qu’ils conseillaient. Leur travail repose sur
des analyses précises des attentes du public et sur l’adaptation des discours aux évolutions de
l’opinion. Le recours aux sondages et aux études de perception permet aux communicants
d’adapter les éléments de langage afin de maximiser l’adhésion des électeurs.
Au Brésil, la communication politique s’appuie fortement sur les plateformes numériques.
L’élection présidentielle de 2018 en est une parfaite illustration, avec une utilisation massive de
WhatsApp et de Facebook pour diffuser des messages ciblés. Cette évolution a renforcé l’impact
des communicants politiques, qui jouent désormais un rôle crucial dans la structuration des
débats publics. Toutefois, cela soulève aussi des inquiétudes sur la propagation de fake news et
la manipulation de l’opinion. Des campagnes entières sont parfois bâties sur la diffusion
d’informations biaisées ou inexactes, exploitant l’émotion et la polarisation du public pour
influencer les résultats électoraux.
Les stratégies de persuasion employées reposent sur des techniques variées : storytelling,
cadrage médiatique et éléments de langage maîtrisés. Ces techniques permettent de façonner la
perception publique des événements politiques et d’influencer la manière dont les médias
rapportent ces informations. Toutefois, cette capacité à orienter le discours pose la question de
la frontière entre communication et propagande. En fonction des méthodes utilisées, le
communicant peut apparaître soit comme un facilitateur du débat démocratique, soit comme un
manipulateur de l’opinion. Il est d’ailleurs intéressant de noter que certains communicants
revendiquent une éthique du métier, tandis que d’autres assument pleinement leur rôle de
stratège au service d’intérêts politiques ou économiques.
III. Vers une éthique de la communication politique ?
Face à ces enjeux, la question del’éthique occupe une place centrale. La responsabilité des
communicants politiques est immense, notamment dans un contexte où la désinformation et la
manipulation de l’information sont devenues des préoccupations majeures. À cela s’ajoute
l’accélération de la communication numérique, qui rend plus difficile la vérification des sources
et la régulation des discours diffusés.
En France, plusieurs initiatives ont été mises en place pour encadrer les pratiques de
communication politique. La charte de déontologie des communicants, par exemple, vise à
garantir une certaine transparence dans la diffusion des messages. Des organismes de fact-
checking, comme celui de l’Agence France-Presse, permettent aussi de lutter contre la
propagation de fausses informations. Toutefois, ces efforts restent limités face à la rapidité avec
laquelle se propage la désinformation sur Internet.Au Brésil, la régulation est forcément plus complexe, notamment en raison du rôle prépondérant
des réseaux sociaux dans la diffusion des messages politiques. Les législations mises en place
pour lutter contre la désinformation restent limitées et peinent à freiner la diffusion massive de
contenus trompeurs. Certaines plateformes ont commencé à mettre en place des outils pour
limiter la viralité des fake news, mais les communicants politiques trouvent toujours de
nouveaux moyens pour contourner ces restrictions.
Dans ce contexte, l’avenir du métier repose sur un équilibre entre efficacité stratégique et
responsabilité éthique. L’une des solutions envisagées est le renforcement de la formation
des communicants en éthique et en régulation de l’information. En intégrant ces dimensions
dès leur apprentissage, il serait possible de limiter les abus et de favoriser une communication
plus respectueuse des principes démocratiques. La question de l’indépendance des
communicants vis-à-vis des pressions politiques et économiques se pose également, et pourrait
être un levier de confiance pour le grand public.
Le communicant politique est un acteur incontournable de la démocratie contemporaine. Entre
Conclusion
information et stratégie, il joue un rôle ambigu, oscillant entre transparence et influence. Si son
action peut permettre une meilleure compréhension des enjeux politiques, elle peut aussi être
détournée à des fins de manipulation. La question de l’éthique est donc essentielle pour garantir
une communication politique respectueuse des citoyens et de la démocratie.
Dans un monde de plus en plus numérisé, la profession doit évoluer pour s’adapter aux
nouveaux défis. La mise en place de règles plus strictes et d’une meilleure régulation des
pratiques de communication politique pourrait être une solution pour préserver la confiance du
public. Reste à savoir si les acteurs politiques eux-mêmes seront prêts à adopter ces
changements et à favoriser une communication plus transparente et responsable.
📚 Sources et références :
• Riutort, P. (2007). Sociologie de la communication politique, La Découverte.
• Cesar, C. M. (2024). La place de la formation dans la structuration du milieu des
communicant·e·s politiques au Brésil et en France. Revue Communication &
Professionnalisation, 14, 53‑85. https://doi.org/10.14428/rcompro.v14i14.74663
• Breton, P. (1995). Médias, médiation, démocratie: pour une épistémologie critique des
sciences de la communication politique. Hermès, (3), 321-334.
0 commentaires