De nos jours, le concept de tension organisationnelle est devenu un phénomène complexe et multidimensionnel qui mérite une attention particulière. Entre tensions liées au pouvoir, à la répartition des ressources ou encore à des objectifs contradictoires, les employés entrent fréquemment en situation de conflit. Cependant, l’importance de la communication dans la gestion de ces tensions ne peut être sous-estimée.
Le concept de tension dans les organisations
Selon le chercheur en management, Chester Barnard (1938), les tensions entre les objectifs individuels et organisationnels peuvent affecter la coopération au sein d’une organisation, en particulier en raison des tensions liées à l’autorité, à la communication et aux objectifs personnels des acteurs.
Pour Katz et Kahn (1978), les tensions peuvent naître des ambiguïtés de rôles et des attentes mal communiquées. Lorsqu’un département ou un employé n’a pas une compréhension claire des responsabilités des autres, cela crée des zones d’incertitude qui favorisent les tensions.
De plus, d’après Mintzberg (1990), les tensions dans les organisations se manifestent aussi dans la coordination entre départements. Elles apparaissent lorsque la communication interdépartementale est insuffisante ou mal gérée, conduisant à des conflits sur la répartition des ressources, la définition des priorités ou les objectifs divergents. La bonne gestion des flux de communication interne est essentielle pour minimiser ces tensions.
Également, Eisenberg et Goodall (2004) soutiennent que les tensions peuvent émerger lorsqu’il existe une divergence dans les perceptions des membres de l’organisation, souvent à cause de différences de culture, de valeurs ou d’objectifs. Ces différences peuvent être exacerbées par des canaux de communication inappropriés ou par un manque de clarification des messages. La communication, dans ce cas, devient une source de tension si elle n’est pas bien adaptée aux divers contextes et attentes des différents acteurs.
Les types de tensions interdépartementales
Tension liée à la répartition des ressources: les départements en compétition pour des ressources limitées (budget, personnel, équipements) génèrent des tensions, créant des rivalités, comme observé entre les équipes marketing et production pour l’allocation du budget (Mintzberg, 1979).
Tension due aux objectifs contradictoires: les tensions peuvent émerger lorsque les départements ont des objectifs incompatibles. Par exemple, le département des ventes peut être focalisé sur la maximisation des ventes à court terme, tandis que la production est plus concernée par le maintien de la qualité à long terme (Cyert & March, 1963).
Tension de communication: une communication inefficace ou mal interprétée entre départements peut entraîner des erreurs significatives, des malentendus et une coordination défaillante, compromettant ainsi gravement l’efficacité organisationnelle (Argyris, 1977).
Tension liée au pouvoir et à l’autorité: les tensions surviennent lorsqu’une équipe ressent que son autonomie est restreinte par un contrôle excessif d’autres départements (Mintzberg, 1979).
Tension culturelle et méthodologique : chaque département développe souvent sa propre culture et ses méthodes spécifiques, ce qui peut entraîner des tensions dans la manière de traiter un projet (Schein, 2010).
Les stratégies de résolution des tensions interdépartementales
Pour résoudre les tensions au sein d’une organisation, il est impératif de mettre en place des solutions adaptées, qu’elles relèvent de la communication ou du management.
Les solutions communicationnelles
Amélioration de la communication interdépartementale: La mise en place d’une communication claire, ouverte et transparente entre les départements constitue une stratégie efficace pour atténuer les tensions organisationnelles. Une telle approche favorise la collaboration, réduit les malentendus et renforce la cohésion interne (Hargie, 2011).
Clarification des attentes entre les départements: Il s’agit d’un point crucial pour éviter des déceptions ou des malentendus. Cela implique d’organiser des réunions pour définir des points de contact clairs et un calendrier de suivi, afin que chaque département sache ce qu’il attend des autres, ainsi que ce qui est attendu de lui (Knapp et Vangelisti, 2000).
Renforcement des échanges informels entre départements: une organisation qui valorise les échanges informels adopte une gestion plus participative. Cela vise à favoriser la communication spontanée, les discussions libres et les collaborations entre les départements, sans passer nécessairement par des réunions formelles ou des procédures strictes (McGregor, 1960).
En adoptant ces stratégies communicationnelles, l’organisation peut non seulement réduire les tensions internes, mais aussi renforcer la coopération interdépartementale et améliorer l’efficacité organisationnelle.
Les solutions managériales
Clarification des rôles et responsabilités: des rôles flous génèrent frustration et conflits. Il est essentiel de définir clairement les responsabilités de chaque équipe à travers des descriptions de poste précises et des processus structurés (Robbins, 2013).
Réduction des conflits de pouvoir: ceux-ci peuvent émerger en raison de hiérarchies ou de zones d’autorité mal définies. Pour éviter ces situations, il est essentiel de mettre en place des structures hiérarchiques claires et un processus décisionnel transparent (Lencioni, 2002).
Optimisation de la collaboration interdépartementale: la mise en place d’une culture collaborative, de processus et démarches adaptés, d’outils technologiques et d’un management transversal permet d’améliorer l’efficacité des départements, leur agilité et leur capacité à innover (Ulrich et Smallwood, 2003).
Conclusion
La communication interne est un élément clé dans la gestion des tensions interdépartementales. Elle joue un rôle crucial dans l’engagement des employés, la promotion de la collaboration, la circulation rapide de l’information et le renforcement de la confiance. Ainsi, la mise en place d’une communication interne efficace constitue un facteur déterminant pour la réussite de tout processus de changement organisationnel.
Bibliographie
Argyris, C. (1977). L’apprentissage en double boucle dans les organisations. Harvard Business Review.
Barnard, C. I. (1938). Les Fonctions de l’Exécutif. Harvard University Press- Chapitre 2.
Cyert, R. M., & March, J. G. (1963). Comportement organisationnel. Éditions Dunod.
Djabi, M. & Perrot, S. (2016). Tensions de rôle : proposition d’une grille d’analyse. Management international / International Management / Gestiòn Internacional, 21(1), 140–148. https://doi.org/10.7202/1052503ar.
Eisenberg, E. M., & Goodall, H. L. (2004). La communication organisationnelle : L’équilibre entre créativité et contraintes (3e éd.). Pearson.
Hargie, O. (2011). Manuel des compétences en communication (4e éd.). Routledge.
Katz, D., & Kahn, R. L. (1978). La psychologie sociale des organisations (2e éd.). Wiley.
Knapp, M. L., & Vangelisti, A. L. (2000). La communication interpersonnelle et les relations humaines (2e éd.). Pearson Education.
Lencioni, P. (2002). Les Cinq dysfonctions d’une équipe. Jossey-Bass.
McGregor, D. (1960). La dimension humaine de l’entreprise. Dunod.
Mintzberg, H. (1979). La structure des organisations. Éditions d’Organisation.
Robbins, S. P. (2013). Comportement organisationnel (15e éd.). Pearson Education.
Schein, E. H. (2010). Culture organisationnelle et leadership (4e éd.). Jossey-Bass.
Ulrich, D., & Smallwood, W. (2003). Pourquoi la rentabilité n’est pas suffisante : Une révolution dans les affaires en trois actes. Harvard Business Press.
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